Bien moins connue que sa voisine Bali, l’île de Lombok est le paradis des activités en plein air, entre plages idylliques, forêts luxuriantes et randonnées emblématiques. C’est une île rurale, montagneuse et volcanique, qui attire les randonneurs du monde entier souhaitant se mesurer au majestueux Gunung Rinjani. Dominant tout le nord de Lombok, le Rinjani est le deuxième plus haut volcan d’Indonésie, culminant à 3 726 mètres d’altitude. Avec le Mont Agung à Bali et le Mont Bromo sur l’île de Java, il fait partie des 3 montagnes sacrées d’Indonésie. Ce volcan revêt une très forte signification culturelle et spirituelle pour les populations locales qui font le pèlerinage jusqu’à son lac sacré et jusqu’à son sommet pour y déposer des offrandes, les nuits de pleine lune. À Lombok, le Gunung Rinjani attire tous les regards et son ascension est tout aussi spectaculaire que gratifiante, bien que malheureusement dangereuse. Chaque année, des accidents mortels sont à déplorer… je reviendrai sur ce point plus tard. Je vous propose dans cet article un récit authentique de mon trek sur le Mont Rinjani, où je suis passée par toutes les émotions… adrénaline, exaltation, peur, fatigue, détermination, libération…
Trek sur le Mont Rinjani : itinéraire de 3 jours et 2 nuits
Arrivée à Senaru
La veille de notre trek, nous arrivons dans le petit village de Senaru où s’effectuent les départs pour les randonnées. On découvre l’hôtel sommaire dans lequel nous allons passer la nuit, pour se mettre doucement mais sûrement dans les conditions du trek 😅 Pour évacuer la nervosité qui commence à s’installer, nous allons jeter un oeil aux cascades adjacentes, seules attractions du village.
JOUR 1
C’est parti. Après un petit-déjeuner copieux, une navette vient nous chercher à 7h du matin pour nous amener, en compagnie d’autres randonneurs, à l’entrée du parc national qui se situe à environ 1h de route. Pour ce premier jour de trek, l’objectif est de parcourir environ 8,5 km jusqu’au Plawangan Sembalun Crater Rim où nous passerons la nuit.
La matinée est relativement facile. Nous parcourons 4,5 km d’un rythme soutenu, mais en traversant essentiellement des plaines à faible dénivelé. Si j’avais su que ce serait la seule portion de plat du trek, je me serais dit de plus en profiter 🤣. Pendant la pause déjeuner, nous croisons de nombreux randonneurs sur leur chemin retour qui nous informent que l’accès au sommet est impossible en raison des conditions météorologiques. « Les vents dépassent les 100 km/h en haut », « ça ne sert à rien de continuer » … Nous ignorons les avertissements, toujours tout sourires en cette première matinée de trek.
Après le déjeuner, les choses se corsent !!! Il nous reste 4 km à parcourir jusqu’au Plawangan Sembalun Crater Rim où nous installerons nos tentes pour la nuit. Nous sommes au coeur d’une forêt, mais cette fois-ci, le dénivelé commence à piquer. L’effort est plus intense mais le sourire est toujours là. Nous arrivons au camp de base aux alentours de 16h. Nous nous retrouvons sous une brume épaisse mais le ciel se dégage petit à petit pour nous laisser admirer de superbes panoramas. Nous avons tout juste le temps d’installer les tentes et de dîner, avant que notre guide nous conseille d’aller nous coucher, à 18h !!!! 😅
Demain nous attend la journée la plus longue et la plus difficile du trek : l’ascension vers le sommet du Mont Rinjani.
JOUR 2
Il est 1h30 du matin quand les lampes torches des guides commencent à éclairer les tentes. Je n’ai pas fermé l’oeil ne serait-ce qu’une minute. Devoir m’endormir dans une tente, à 18h, en sachant que le réveil va sonner à 1h du matin, c’est trop me demander 🤣. Nous prenons un petit-déjeuner express puis nous mettons en route à 2h pour parcourir les 3 km qui nous séparent du sommet du Rinjani. Je lève la tête : le dénivelé va faire mal. Objectif de la matinée : arriver au sommet du volcan pour le lever du soleil.
Dès les premiers mètres, la tâche se révèle extrêmement difficile : ça glisse beaucoup et le vent commence à se faire ressentir de plus en plus. Il fait nuit noire et nous grimpons dans la forêt, à la queue leu leu. Les premières plaintes se font entendre, notamment de la part des randonneurs ayant omis d’emporter une lampe frontale avec eux. Vers 4h du matin, alors que nous arrivons sur la très étroite crête du volcan, le trek vire au cauchemar. Les vents sont extrêmement violents, c’est difficile de tenir en place. De nombreux guides font demi-tour et conseillent à tous les randonneurs de rebrousser chemin. Tous les membres de mon groupe se plient aux ordres, à l’exception d’un Américain d’une trentaine d’années qui me dit qu’il m’accompagne si je décide de continuer. Certains d’eux ont les larmes qui coulent, les deux dernières heures ont été des plus éprouvantes. On apprend que l’aéroport et le port de Lombok sont fermés pour conditions dangereuses et que deux trekkeurs népalais aguerris ont été emportés par des rafales de vent quelques centaines de mètres plut haut.
Je songe à être raisonnable et à faire demi-tour pour suivre mon guide et rejoindre le camp de base, mais j’aperçois juste en face de moi le sommet du Mont Rinjani, qui me semble si proche. Je ne peux pas abandonner maintenant, l’adrénaline est à son apogée. Le vent est fort mais je me sens bien ancrée dans le sol et quand les rafales se font trop puissantes, je m’abrite sous les rochers. La crête est incroyablement étroite, c’est la partie la plus dangereuse du trek. Quelques mètres de travers sur le côté et je tombe dans le vide. Malgré une concentration extrême, mon mental est mis à rude épreuve. J’arrive enfin au bout de la crête et contemple la dernière épreuve avant d’atteindre le sommet : le dernier kilomètre de dénivelé, dans le sable.
Je m’enfonce en permanence, deux pas en avant, un pas en arrière. Il n’y a que 300 mètres à parcourir, mais entre la pente et le sable volcanique, je n’arrive pas à enchaîner plus de 10 pas. Les larmes coulent, mes jambes sont tétanisées. Malgré une carrière dans le sport professionnel, je réalise que c’est l’effort physique le plus difficile que je n’ai jamais eu à réaliser.
Vers 6h du matin, après quatre interminables heures de montée, c’est la libération. J’atteins enfin le sommet du volcan. On se trouve au-dessus des nuages, le paysage est lunaire. D’un côté, la vue lointaine sur les îles Gili. Mais c’est de l’autre côté que se trouve la véritable récompense après l’effort : un panorama éblouissant sur l’immense caldeira et sur le lac sacré du Rinjani, large de 6 km. Au coeur de la caldeira, le cône menaçant du Gunung Baru, un volcan vieux de 200 ans mais encore très actif, émerge du lac. Il est entré en éruption à de nombreuses reprises au cours des dix dernières années, crachant de vilains panaches de fumée et de cendres sur la totalité de la caldeira du Rinjani.
La force du vent m’empêche de rester plus d’une dizaine de minutes au sommet. C’est dommage, j’aurais aimé en profiter plus. J’admire une dernière fois la vue avant d’entamer la descente qui s’avèrera pratiquement aussi éprouvante que la montée. Je ne m’attendais pas à un tel effort pour de la descente… Ça glisse, c’est raide et c’est long. Mais le vent s’est calmé et le danger semble écarté. Quelques heures plus tard, je retrouve enfin le camp de base, aux alentours de 9h du matin. La décompression du stress de l’ascension me fait éclater en larmes. J’engueule mon guide pour m’avoir abandonnée à 4 heures du matin, sans nourriture et sans eau, ni pour l’ascension, ni pour la descente. Je me calme lorsqu’il m’apporte des pancakes dans ma tente.
Je suis à bout de forces mais nous devons repartir dans à peine deux heures. Au programme : 2 km de descente infernale au milieu des rochers pour atteindre le fameux lac sacré, le Segara Anak. À ce moment précis, mes quadriceps me demandent si je me moque d’eux, après le supplice que je leur ai infligé de 2h à 9h du matin.
En chemin vers le lac, nous nous arrêtons à des sources chaudes naturelles du nom de Aiq Kalak. C’est vraiment bouillant mais ça fait du bien, pour relâcher les muscles et pour se “laver” un peu (désolée, dégueu). Arrivés au lac, nous profitons du paysage apaisant avant de nous lancer dans l’effrayante remontée de 2,5 km jusqu’au nouveau camp de base où nous passerons notre deuxième (et dernière) nuit.
La remontée est dangereuse. À certains endroits, elle ressemble plus à de l’escalade très peu sécurisée : une maigre corde en piteux état, ou parfois même rien du tout. Je pousse un petit coup de gueule auprès du guide qui se trouve devant moi mais il me répond ironiquement en me disant que si j’étais une trouillarde, je n’avais qu’à ne pas m’engager dans un trek. Je garde mes nerfs et accélère le rythme de ma montée pour en terminer avec cette journée qui va finir par avoir raison de moi.
Nous arrivons au camp de base aux alentours de 18h. Après un dîner conséquent, je m’écroule dans ma tente et n’ai, cette fois-ci, pas besoin de me faire prier pour m’endormir en une demi-seconde.
JOUR 3
Pour cette dernière journée de trek, le réveil est un petit peu plus tranquille et le programme est surtout plus détente. La seule chose que je dois demander à mes jambes courbaturées est de réussir à descendre jusqu’au village de Senaru, qui se trouve à 7,5 km de notre campement. Je découvre avec joie que notre guide a décidé d’imposer un rythme de récupération. La marche est agréable, au coeur d’une forêt ombragée. Les peurs ont disparu et les rires sont de retour. Quelques heures de douce descente plus tard, notre trek sur le Mont Rinjani touche à sa fin. C’est la délivrance. Pour me féliciter de cet exploit sportif, un gentil singe suspendu à une branche décide de m’uriner sur le bras. J’en ris, plus rien ne m’atteint, j’ai gravi le Rinjani !
Trek sur le Mont Rinjani : mon coup de gueule
De retour à Senggigi, j’étais hors de moi. Comment ne pas prévenir les randonneurs du danger de cette ascension ? Les guides touristiques s’arrêtent à “ce trek n’est pas à prendre à la légère” ou “il ne faut pas craindre l’effort”. D’accord, mais la sécurité, on en parle ? Le trek sur le Mont Rinjani est-il un produit touristique tellement standardisé qu’il ne vaut pas la peine de mentionner ses risques ?
Certaines parcelles sont tout simplement dangereuses, ce n’est pas pour rien que des personnes y perdent la vie tous les ans. Je pense notamment aux parties où l’on doit escalader (l’après-midi du deuxième jour), il n’y a aucune corde pour se tenir, il suffit de perdre l’équilibre sur une pierre glissante et on tombe dans le vide ! Dans le village de Senaru, les bruits couraient que 11 personnes étaient décédées pendant ces quelques jours aux conditions difficiles. Certes, je pense que j’ai effectué ce trek dans des conditions extrêmes. J’ai lu différents blogs de voyage. Ils présentent cette randonnée comme très éprouvante, mais rien de plus. Peut-être que les conditions lors de mon ascension en faussent ma perception. Un randonneur que j’ai côtoyé lors de ma descente m’a dit qu’en raison des conditions et de la mauvaise sécurité, il avait trouvé ce trek plus difficile que l’ascension de l’Everest qu’il avait partiellement effectuée.
Lors d’un jour de grand ciel bleu, le trek sur le Mont Rinjani est sûrement plus à la portée de tout le monde, même si quoi qu’il arrive, il faut une très bonne condition physique ainsi qu’une bonne dose de courage et d’abnégation face à l’effort. C’est un défi sportif gratifiant, entre torture physique et plaisir des yeux. On y admire de très beaux paysages tout au long de l’ascension.
Je relève également une superbe organisation de la part des agences : des porteurs extraordinaires à qui il ne faut pas oublier de donner un pourboire, une nourriture de qualité et en très grande quantité, des guides rodés, du matériel en bon état. Rien à dire !
Je termine ce reportage sur une alerte environnementale : vous le lirez partout, certains lieux du Rinjani (notamment les camps de base) font penser à des décharges à ciel ouvert. C’est horrible à voir. SVP, ne jetez pas vos papiers n’importe où lors de votre ascension ! Ne rendons pas l’Indonésie plus sale qu’elle ne l’est déjà 😟
Vous planifiez un voyage en Indonésie ? Jetez un oeil à mes articles :
– Où voir les plus belles rizières de Bali ?
– Visiter Ubud : 5 idées d’activités
– Détente à Nusa Lembongan et Nusa Ceningan
– Escapade à Lombok : quelle île Gili choisir ?
– Les temples à Bali : lesquels voir et lesquels éviter ?
* Voyage réalisé en été 2017
6 réponses
Tres belles photos impressionnantes
Ca fait envie ,mais aussi un peu peur,
Partez bien entrainer
Great content! Super high-quality! Keep it up! 🙂
Tres beau mais très dangereux
Bonjour,
Merci pour votre récit intéressant et bien documenté de très belles photos.
Je suis surpris de votre coup de gueule sur la sécurité alors même que vous ignorez les consignes de sécurité de votre guide lors des rafales de vent… c’est un peu paradoxal.
Bonne route
Bonjour,
Je reviens de ce trek, ils ont beaucoup amélioré la sécurité en particulier dans la montée vers le camp 2 direction Senaru. Ils ont posé beaucoup de corde il y a un mois. Je comprends que c’était risqué sans.
Bonjour Stéphane, bien sûr vous aviez raison dans votre précédent commentaire, je n’avais pas été prudente de continuer l’ascension malgré les recommandations de rebrousser chemin, ce que je condamnais était plutôt l’absence d’information en amont. À l’époque, j’avais trouvé certaines portions du trek très risquées et je regrettais que les agences organisatrices ne préviennent pas. Je suis contente de lire que votre trek s’est bien passé et j’espère que vous avez apprécié les paysages magiques au sommet 🙂 Merci de votre visite !